Cathédrale Notre-Dame de Paris et Château de Shuri-jô
Reconstruire et Restaurer Leur Valeur Culturelle, Au-delà des Incendies de 2019
Marot, Te Deum d’août 1660 © BnF Est.Rés.QB-201, t.44
Chapelle Notre-Dame de Guadalupe, flanc nord de la nef © Dany Sandron, CAC
Partie médiane de la façade ouest avec galerie des rois © Christian Lemzaouda, Centre André Chastel
Dany Sandron
Le plus vaste édifice de Paris était largement ouvert aux fidèles. Toutefois, certaines parties leur étaient interdites, notamment le chœur liturgique et le sanctuaire qui occupent le vaisseau principal à l’est du transept. Cette partie isolée par une clôture en pierre haute de cinq mètres des espaces environnants abritait l’autel principal à l’aplomb de la clef de voûte de l’abside et, légèrement en arrière, les châsses d’orfèvrerie où étaient déposées les principales reliques de saints de la cathédrale, notamment le corps de Saint Marcel, évêque du milieu du Ve siècle, qui disposait d’une châsse particulière exposée en hauteur, juste derrière l’autel majeur. Les stalles où siégeaient les chanoines et les chapelains occupaient la partie droite du chœur. Une centaine de clercs s’y réunissait huit fois chaque jour pour célébrer les différents offices religieux, depuis l’aube jusqu’à minuit.
Les fondations de chapelles se multiplièrent à compter de la fin du XIIe siècle, nécessitant l’aménagement de nombreux autels pour célébrer des messes commémoratives à la mémoire des fondateurs. On aboutit ainsi dès le XIVe siècle à la célébration d’environ 120 messes quotidiennes dans la cathédrale. Ce mouvement entraîna la construction des chapelles latérales pour l’accomplissement des messes basses qui ne devaient pas contrarier le déroulement des offices religieux dans le chœur.
Si la cathédrale gothique était dépourvue de fonctions paroissiales, les fidèles originaires de l’ensemble du diocèse s’y rassemblaient lors des grandes fêtes religieuses (Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte et Assomption) ou à l’occasion d’évènements exceptionnels comme la venue du roi à Notre-Dame, juste après son sacre à Reims ou lors de la veillée funèbre du corps du souverain la veille de son inhumation à Saint-Denis. En plus de jouer un rôle-clé aux deux extrémités de chaque règne, Notre-Dame était honorée des visites des souverains plus qu’aucun autre sanctuaire du royaume. C’est ce qui explique l’abondance de l’iconographie royale dans le monument, comme en témoigne encore la figure agenouillée du roi Louis VI sur le tympan du portail Sainte-Anne, une œuvre du milieu du XIIe siècle, remployée lors de la construction de la façade actuelle au début du XIIIe siècle. C’est évidemment la galerie des Rois, frise monumentale de 28 statues colossales qui couronnait les portails, qui exalte avec le plus d’éclat la monarchie française, en écho à une statue (disparue) du roi Philippe Auguste (1180-1223) près de l’autel majeur ou au couple royal de Saint Louis et Marguerite de Provence représenté sur le tympan de la porte rouge quelques décennies plus tard, vers 1270.
La cathédrale marquait aussi le point de départ et l’arrivée de processions qui rassemblaient le clergé et des milliers de fidèles accompagnant des reliques sacrées dans des cheminements codifiés dans la ville de Paris à certaines fêtes ou en des moments dramatiques, pour conjurer des épidémies ou des épisodes climatiques désastreux. La sonnerie des cloches appelait aux offices, mais aussi signalait la fin de la journée de travail pour toute la ville jusqu’à l’apparition d’horloges publiques et ce, pas avant le milieu du XIVe siècle.